François Hollande peut-il sauver le siège du Parlement européen à Strasbourg ?
François Hollande peut-il sauver le siège du Parlement européen à Strasbourg?
Comme souvent lors des sessions plénières au Parlement européen, des eurodéputés demandent un siège unique pour l'institution. Notre contributeur Fabien Cazenave s'interroge: la France peut-elle sauver son antenne à Strasbourg?
[Express Yourself] Alors que les votes s'enchainent au Parlement européen cette semaine, la lancinante question du siège unique de l'hémicycle européen revient sur le devant de la scène à l'occasion des discussions sur le budget européen. L'Europe, peut-elle se permettre financièrement d'avoir une institution comme son parlement avec trois sièges différents?
Trois lieux de travail pour le Parlement européen
Le Parlement européen possède une particularité, il a trois lieux de travail: Bruxelles, Strasbourg et Luxembourg. Comment se répartit le travail de cette institution européenne qui représente les citoyens face à l'intérêt des Etats (le Conseil européen) et l'intérêt général européen (la Commission européenne)?
Bruxelles est principalement le lieu où se déroule le travail en commission. Il s'agit du travail préparatoire avant qu'on présente un texte à voter. C'est également là que sont installés les autres principaux organes de l'UE: la Commission européenne, le Service d'Action Extérieure (SEAE) et le Conseil européen. Y ont élu domicile également les journalistes, les lobbyistes et la société civile. Du reste, on parle de "Bruxelles" pour désigner l'Union européenne dans le langage courant, à l'instar d'un "Bercy" pour le ministère des finances en France.
Le secrétariat du Parlement est basé à Luxembourg. Cependant, le siège "officiel" du Parlement européen se situe à Strasbourg. Cela est garanti par les traités européens. Les sessions plénières (le moment du vote dans le langage eurocrate) ont donc lieu à Strasbourg pendant 12 sessions de quatre jours par an.
Une propagande "anti-Strasbourg" efficace
Comme d'habitude, on entend grogner les "anti-Strasbourg", ces partisans du "tout centralisé" à Bruxelles. Cela donne lieu en effet à un balai assez incroyable: tout le monde déménage une fois par mois, aller-retour dans la semaine, avec des transports peu pratiques pour aller de la capitale belge à celle alsacienne.
Maintenir Strasbourg et les bureaux administratifs au Luxembourg entraînerait un coût supplémentaire estimé à 180 millions d'euros par an. Ces chiffres sont invérifiables mais marquent des points auprès des journalistes et des eurodéputés. Il faut dire que Strasbourg est particulièrement mal desservie en termes de transports aériens internationaux... ce qui n'est pas le cas de Bruxelles.
Tous les coups (bas) sont permis. En 2011, un rapport d'un eurodéputé britannique prétendait s'appuyer sur une étude suisse selon laquelle 90% des eurodéputés souhaiteraient faire de Bruxelles le siège unique du Parlement européen. Vraiment ? Seuls 61 députés européens avaient été interrogés...
Il faut dire qu'en face, les seuls arguments pour l'instant sortis par les "pro-Strasbourg" sont de l'ordre du symbolique. Mais préserve-t-on réellement la diversité européenne avec trois capitales parlementaires?
Ce qu'il faudrait pour sauver "Strasbourg"
Avoir plusieurs capitales, c'est possible pour un pays. L'Afrique du Sud en est le meilleur exemple avec Le Cap et Pretoria. Les moyens technologiques doivent nous permettre aussi de mieux organiser les relations à distance. Si les directeurs d'entreprises multinationales y arrivent, pourquoi pas nos politiques?
Cependant, il faut aussi y mettre les moyens en terme d'infrastructures. A l'époque où Laurent Wauquiez était ministre des Affaires européennes, je lui avais posé la question de savoir si la meilleure réponse de la France ne serait pas de mettre les bouchées doubles sur l'aéroport de Strasbourg pour faire taire une partie des critiques... au-delà d'une réponse évasive, on sentait que la France n'était pas prête à s'engager dans de tels investissements en temps de crise.
Pourtant, voilà la meilleure arme dont dispose aujourd'hui François Hollande pour préserver la qualité de siège du Parlement européen pour Strasbourg. Si la capitale alsacienne devenait facile d'accès, notamment en avion, la grogne des députés européens et de leurs assistants baisserait sensiblement.
De plus, le président de la République pourrait appuyer de tout son poids politique pour la réalisation du projet "Eurocap-Rail". Ce projet doit permettre de réduire le temps de transport en train entre Bruxelles et Strasbourg de plus d'une heure. Voilà un projet européen à relancer car il est enlisé aujourd'hui, notamment à cause des nationalistes flamands. En effet, Johan Vande Lanotte a préféré financer le projet Diabolo en Flandre au détriment du projet Eurocap-Rail en disant qu'il n'y avait plus d'argent pour le projet... Finalement seul le Luxembourg a continué le projet, la Wallonie va se contenter de moderniser sa ligne. La France elle est entrain de moderniser la ligne entre Metz et Strasbourg.
François Hollande doit montrer ses muscles
Si la France décide d'engager le bras de fer, il faut aussi qu'elle soit prête à renverser les arguments de ses adversaires. Pourquoi le Parlement européen ne quitterait-il pas Bruxelles ? La Commission européenne cherche justement à trouver des nouveaux locaux... or les prix de l'immobilier dans le "quartier européen" comme on l'appelle à Bruxelles ont explosé.
Strasbourg est un bel exemple: une ville frontière entre deux pays qui s'étaient faits trois fois la guerre en moins d'un siècle. Il serait bon de le préserver pour l'institution européenne qui réunit les représentants de tous les citoyens européens. François Hollande doit apporter d'autres arguments que le seul "le siège de Strasbourg est garanti par traité".
Mais peut-il se permettre d'investir dans les infrastructures autour de Strasbourg alors que les finances publiques sont en berne?